En l’absence de sens dans sa vie, l’être humain se perd.
 
Il devient suicidaire ou fou, ou, plus couramment, il perd son cœur en se noyant dans le superficiel comme l’industrie du divertissement et du marketing savent si bien l’y emmener. Dans les deux cas, le cerveau est débranché, et la conscience avec. Pour ne pas penser, se réfugier dans des contrées imaginaires qu’elles soient psychotiques dans la production délirante ou névrotiques dans la surconsommation matérialiste est une bonne stratégie, inconsciente pour la majorité des individus névrosés car fruit d’une acculturation progressive à la superficialité et à la perte des valeurs.
 
La société pourrait ainsi peu à peu se transformer en masse délirante ou robotisée (ce qui revient au même), et l’on serait tenté de croire que c’est déjà le cas, en voyant où en est le monde à l’aube du troisième millénaire. Mais c’est sans compter sur notre pulsion de vie et sur notre nature profondément spirituelle ! ☺️
 
Car, tout incomplets et immatures que nous sommes à ce jour, nous sommes habités par un besoin inextinguible de sens. Irvin Yalom place ainsi la quête de sens parmi les quatre enjeux existentiels de tout individu, avec la question de la mort, le besoin de liberté et la soif de liens.
 
Pourquoi un tel besoin de sens ?
 
D’un point de vue très prosaïque, psychologique-basique : tout simplement pour trouver une raison de se lever chaque matin et de traverser sa journée avec un minimum d’actions accomplies.
« Ma vie a du sens car j’ai trois enfants et je veux leur offrir de la sécurité (a minima) et les conditions pour qu’ils deviennent qui ils sont (a maxima) ».
« Je me lève car je dois accomplir mon devoir, en travaillant par exemple, comme l’ont fait mes aïeux avant moi ou comme le font les autres, pour que la société fonctionne ».
« Mes activités et donc ma vie ont du sens car j’apporte du réconfort à ceux qui en ont besoin, ou de la transmission à mes élèves, ou de la beauté à travers mes œuvres, ou une avancée dans les technologies pour rendre la vie plus facile, etc… ».
 
Chacun trouve ainsi une bonne raison, assez rationnelle somme toute, à son existence. A certains moments de notre existence, les raisons « suffisamment bonnes » nous manquent et nous flirtons alors avec l’authentique folie (et la pulsion de mort qui va souvent avec) ou nous embrassons la dissociation transitoire apportée par le divertissement et le consumérisme (endormissement qui est finalement une mort psychique). Heureusement, dans la plupart des cas, la pulsion de vie veille et nous redresse sur notre trajectoire, aussi souvent que nécessaire.
 
Mais sentez-vous, comme moi, comme cela est insuffisant ? Comme cette rationalisation récurrente, quotidienne ou presque, est insuffisante ? Comme cette rationalisation partielle consume progressivement notre élan vital et notre joie de vivre ?
 
Nous le ressentons souvent lors de la célèbre « crise de milieu de vie », vers 40-50 ans, qui s’exprime par ces interrogations plus ou moins conscientes : finalement pourquoi suis-je là ? pourquoi cette vie ? à quoi ça (je) sert(s) ? quel est cet appel à plus vaste que je ressens ?
 
Je souhaite ce tournant d’ordre spirituel à tous. Tout le monde ne le prend pas, car certains ne parviennent pas à s’y confronter et retournent aux stratégies de survie précédentes. Mais j’ose croire que nous sommes de plus en plus nombreux à le vivre. De plus en plus nombreux à chercher une réponse plus subtile à nos questionnements existentiels sur le sens de notre présence ici-bas. Merci le paranovirus pour cela, pour cette accélération.
 
De par notre nature d’être spirituels, nos cœurs se refusent désormais à accepter et à se suffire de ce que nos cerveaux ont jugé acceptable pendant des décennies. Car il est le relais de notre âme, notre cœur ne nous fait jamais faux bond dans son analyse et sa capacité à nous aiguiller. Seulement nous avons souvent grand mal à lui faire de la place et à l’écouter. Or aujourd’hui, cette crise à la fois accélère le temps dans la vitesse de nos processus et en même temps le densifie et le ralentit.
 
C’est comme si l’univers nous offrait la chance de prendre conscience de l’enjeu spirituel qui est là pour nous, pour la planète, et que, comme une scène au ralenti au cinéma, nous pouvons goûter pleinement ses textures y compris les plus désagréables, comme la peur qui nécessite d’être accueillie puis transformée.
 
Alors qu’allons-nous faire de cette expérience ? Quel en est le sens ?
 
Notre société se polarise à vitesse grand V. Là aussi il y a accélération et densification des phénomènes.
 
Un premier groupe défend le système actuel, croit au bien-fondé des mesures politico-sanitaires et au salut par la science et la discipline collective. Pour les membres de ce groupe, les choses font sens. Respecter les gestes barrières et vivre ce moment sacrificiel douloureux font sens car c’est pour eux une période très éprouvante dont nous sortirons, certes meurtris, mais prêts à repartir dans la trajectoire préexistante à la crise.
 
Un deuxième groupe d’individus jugent à l’inverse les mesures sans sens au regard de la balance bénéfices-risques des dispositifs appliqués. Certains parmi eux en appellent à un retour du bon sens dès que possible pour minimiser les pots cassés. D’autres, plus visionnaires, dont je fais partie, y voient une nuit noire de l’âme collective que nous devons traverser pour parvenir à un nouveau paradigme de société, plus juste et plus égalitaire. Pour ceux du deuxième groupe, là aussi le sens aux événements et aux actions est recherché et trouvé pour continuer à se lever le matin.
 
Donc que faire ? Je crois que l’essentiel est avant tout dans la quête de sens individuelle, avant d’aller la chercher au niveau collectif.
 
Tout d’abord parce que nous ne pouvons agir que sur nous-mêmes, et ensuite parce que, lorsque nos réalignements de sens individuels augmenteront significativement dans leur nombre et leur densité, ils provoqueront la bascule collective vers le bon sens sociétal souhaité et, je l’appelle de toute ma foi, vers un nouveau monde.
Personnellement je navigue depuis des mois dans des questionnements sur l’endroit principal où mettre et consacrer mon énergie et je vois combien d’autres partagent ces interrogations. Agir ? Oui sûrement, mais comment ? (Ré-)informer via les réseaux sociaux ou ailleurs ? Manifester ? Rejoindre un collectif ? Protéger mes enfants en les déscolarisant ? Utiliser la voie artistique pour faire bouger les consciences ? Être auprès de ceux qui ont peur et les soutenir ? Méditer, me ressourcer et augmenter au mieux mon taux vibratoire ?… Tant de voies sont possibles.
 
Bientôt un an que nous avons été désarçonnés voire sidérés par cette situation et que pour beaucoup le quotidien a changé, parfois radicalement, dramatiquement pour certains ou très positivement pour d’autres, bientôt un an… il me semble que nous pouvons désormais, individuellement, mieux ressentir où notre boussole interne, notre cœur, nous amène à nous positionner et à investir nos talents et notre énergie. Et comme nous sommes des êtres pluriels, cela peut évoluer selon nos couleurs du moment et les nécessités extérieures. Il suffit de réinterroger régulièrement son cœur.
 
Après avoir traversé une longue période de colère qui m’a amenée à être avant tout dans la ré-information et l’action militante, je sens que ma boussole m’amène vers des terres plus apaisées où je nourris davantage des besoins d’introspection méditative et de mise en sens par une perspective spirituelle de l’histoire de l’humanité en cours. Cela m’aide, m’est indispensable même, pour être psychiquement et physiquement en forme, mais aussi pour faire ce pour quoi je suis dans cette incarnation, à savoir soutenir les autres et leur apporter une écoute du cœur pour y déposer souffrance et absence temporaire de sens.
 
Je ressens aussi qu’en cette période je dois augmenter et maintenir ma propre énergie pour en diffuser autour de moi, et par effet de dominos faire rayonner du positif et de l’espoir le plus largement possible. Cela fait pour moi beaucoup de… sens ! 😉