Qui ne connait pas encore Jean Monbourquette ?
Je vous ai déjà parlé de lui à travers son livre Le guérisseur blessé. Quand j’aime un auteur, je suis du style à me faire une petite série… donc quelques mots sur Apprivoiser son ombre. Tout aussi génial !
Enfin un thérapeute qui parle de manière lumineuse (pour le sujet, c’est mieux ) de ce qui est au cœur de nos vies et de notre évolution, individuelle et collective : l’OMBRE. Big gratitude
L’ombre est tout ce que nous avons rejeté dans l’inconscient par peur d’être rejeté par les personnes importantes pour nous (ie. nos figures d’attachement). Par exemple, ne pas penser à soi (sous peine d’être étiqueté d’égoïste), ne pas s’affirmer ou à l’inverse ne pas être doux, tel penchant sexuel, notre sensibilité ou notre violence, etc…
Ainsi compressée, cette énergie psychique refoulée reste active et vivante en nous. Si nous continuons à l’ignorer, elle forcera un jour la porte du conscient et l’envahira : crises, angoisses, obsessions, addictions (« la dépendance est un problème de l’ombre »), passages à l’acte… avec la honte qui va avec.
Il s’agit donc d’accueillir et de découvrir la richesse de notre ombre, de se réapproprier ses différents aspects pour devenir un être plus complet, plus épanoui.
Jusque là rien de nouveau, me diriez-vous, si ce n’est que Monbourquette est d’une clarté rare et surtout qu’il va plus loin. Quelques points qui m’ont interpellée :
– Il clarifie notamment le concept de l’ombre en le distinguant de la notion de mal, avec lequel on fait souvent l’amalgame : l’ombre est issue du refoulement de parties de soi pour s’adapter, le mal est le non-être, la privation du bien.
-J’ai particulièrement apprécié la question de l’ombre et de la morale, et ses enjeux sur notre société. L’auteur oppose la « vieille morale », basée sur l’obéissance à des règles et des lois (pouvant paradoxalement amener à des massacres et génocides), à la « nouvelle morale », issue de l’apprivoisement de l’ombre chez l’individu, qui, au lieu de projeter son ombre sur les autres (cf le phénomène de bouc-émissaire), la reconnait en lui-même, en assume la responsabilité puis l’intègre dans une vie morale cohérente. Vision très jungienne, qui me parle beaucoup, au vu de ce que nous vivons ces dernières années.
– « D’ordinaire nous préférons marcher guidés par la lumière. Cela nous empêche de voir l’ombre qui nous suit ; les autres la perçoivent souvent avant nous ». Tellement juste… Contournement spirituel, allô ?
– L’ombre peut aussi être familiale (secrets, injonctions, patient désigné…), institutionnelle (déviances sexuelles dans l’église par ex.) et nationale (racismes, violences…). Au Moyen-âge, le fou du roi à la cour était précieux pour révéler ce qui était caché et ainsi diminuer la force de l’ombre collective. Aujourd’hui, les comédiens et les humoristes assurent cette fonction (enfin ceux qui ont gardé leur intégrité …).
– Alors que faire ? La première étape est socratique : connais toi-même.
« On passe les 30 premières années de sa vie à refouler les aspects de nous (construction de l’ombre), puis le reste de sa vie à les récupérer ». Dans la société telle qu’elle est aujourd’hui, se construire un moi social (ou persona) est en effet inévitable pour se socialiser, mais ensuite nous sommes attendus. Attendus pour quoi ? Pour le vrai travail. Celui du chemin vers le Soi. L’individuation.
Occupons-nous donc de notre « sac à déchets » (Robert Bly) avant qu’il ne devienne trop lourd et nous amène vers la dissociation sévère. L’ombre est l’envers de l’inconscient, quand l’égo et la persona en sont l’endroit. Nous avons à les découvrir et à les intégrer : c’est la conjonction des opposés de Jung. Trop s’identifier à son égo, en excluant son ombre, exige une obéissance aux codes du milieu et mène à des troubles anxiodépressifs, car nous renonçons à nos aspirations profondes. Trop s’identifier à son ombre est en devenir la proie et mène à des conduites répréhensibles (Mr Hyde).
« On n’échappe pas à un dilemme en éliminant un des aspects ». La voie se trouve dans l’harmonisation des polarités. Monbourquette souligne que ce travail demande patience, courage et confiance, nécessitant que l’égo lâche prise et s’en remette à plus grand.
Embrasser son ombre commence par la chercher au bon endroit. Ce qui n’est pas facile, car, comme la face cachée de la lune, elle est ignorée et mystérieuse. L’auteur donne plusieurs pistes, certaines très concrètes sous formes d’exercices/questionnements. Il invite en particulier à s’interroger sur nos projections, cad à tout ce que nous transférons sur l’autre à défaut de le voir en soi (que ce soit de l’agressivité ou de l’admiration). Chapitre passionnant, car tellement « humain, trop humain » comme écrirait Nietzsche.
J’en terminerai en citant cette phrase aussi simple qu’efficace de Jung : « Il vaut mieux être complet que parfait », et en rappelant que reconnaitre les manifestations de son ombre n’est pas y obéir (cf la différence entre sentir et consentir).
J’espère que ce résumé vous donnera envie de lire cet ouvrage, petit bijou d’utilité publique.
Les bons livres, c’est comme les bonnes recettes de cuisine, c’est encore meilleur quand ça se partage !
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