Engagement et intégration : bienvenue à la nouvelle psychologie !
Tout comme les citoyens des quatre coins du monde se mettent en mouvement actuellement pour préparer non pas la fin du monde mais la fin d’un monde, les soignants sont en train de bouger et une nouvelle manière d’envisager et de vivre la relation soignante émerge de partout. C’est ce que j’observe dans mes formations et supervisions, sur les lieux de soin où j’interviens et travaille mais aussi dans ce qui se diffuse dans les réseaux sociaux ou encore les livres et films qui sortent en ce moment.
S’il te plait aide-moi à vivre. Pour une nouvelle psychologie. De Jeanne Siaud-Facchin. Voici un livre qui fait du bien, tant aux patients qu’aux soignants. L’auteure, psychologue reconnue pour son travail sur la pleine conscience, la surdouance et les troubles de l’apprentissage, partage sa vision de la psychologie d’aujourd’hui, telle qu’elle la vit et telle que de plus en plus de thérapeutes la pratiquent mais souvent à moitié cachés dans leur cabinet sans toujours oser le dire. Son plaidoyer pour une nouvelle psychologie s’appuie sur des clefs qui vont parfois à l’encontre de ce que nous avons appris sur les bancs de la faculté de psychologie ou de médecine : 1/ S’engager dans la relation, vraiment, avec le cœur, dans les mots voire les gestes, développer et faire grandir une relation d’attachement entre le patient et son thérapeute. 2/ S’éloigner de la tentation de l’analyse et de la compréhension du pourquoi pour prioriser le comment, l’ici-et-maintenant et le ressenti. 3/ Intégrer différentes approches, notamment celles écoutant le corps, au service du processus toujours très spécifique à chaque patient et donc nécessitant créativité, humilité et flexibilité du côté du soignant. 4/ Mettre la priorité sur les ressources et les compétences du patient, non pas seulement sur ce qui l’a blessé mais sur ce qui l’a aidé à vivre voire à survivre. Peut-être des évidences pour mes amis thérapeutes issus de l’énergétique ou du soin du corps, mais pour mes collègues aux obédiences plus mentales et classiques c’est une petite révolution. Je le constate à chacune de mes formations lorsque je transmets ma passion pour la relation basée sur l’attachement et le travail sur les ressources. Pour certains stagiaires c’est un véritable changement de paradigme, mais surtout un sentiment de pouvoir faire enfin tout haut ce qu’ils faisaient jusqu’alors tout bas. La révélation de soi est le thème abordé qui suscite le plus de « relaxation intérieure ». Mettre au service de la thérapie nos propres ressentis (y compris les négatifs) voire le partage de petits morceaux de notre propre vie est d’une grande puissance thérapeutique. L’idée n’est pourtant pas nouvelle. De grands théoriciens et praticiens tels que Irvin Yalom , Dr Linehan , Diana Fosha ou encore Christophe André en parlent dans leurs écrits qui ne sont pas seulement des ouvrages didactiques riches pour les praticiens mais aussi des espaces où ils livrent des bouts d’eux-mêmes, de leur vulnérabilité et ainsi de leur humanité. Force est de constater qu’en France ces auteurs, à l’exception de Christophe André et peut-être d’Irvin Yalom, ne sont pas encore assez connus et leurs visions insuffisamment transmises aux professionnels.
Je me réjouis aussi du buzz autour du film Un monde plus grand de Fabienne Berthaud sur l’histoire de la chamane Corinne Sembrun. Quand spiritualité et science se rencontrent ainsi, démontrant que nous sommes bien l’alliance d’un corps, d’un esprit et d’une âme et que le temps du découpage analytique des désordres psychiques est bien révolu, le changement d’ère devient de plus en plus visible et palpable. Selon les recherches scientifiques de Corinne Sembrun, 80% de la population pourrait entrer en transe. Cet état de conscience modifié génèrerait alors des prises de conscience sur nos dysfonctionnements et éveillerait la capacité d’auto-régulation émotionnelle. Cela ouvre des portes pour de nouvelles thérapeutiques et vont dans le sens de l’approche intégrative qu’appelle de ses vœux Jeanne Siaud-Facchin.
La psychologie intégrative favorisant la souplesse et l’intuition du soignant nous sort des guerres de chapelles, improductives et finalement avant tout égotiques. C’est la psychologie du «et» et non du «ou» que nous devons désormais appliquer. C’est ce qui est à l’œuvre quand je vois mes collègues psychologues et neuropsychologues du CHU de St Etienne se former en psychologie énergétique avec l’EFT tout en faisant les liens avec leurs bagages universitaires psychanalytiques et y trouvant une nouvelle liberté source d’épanouissement personnel et professionnel. C’est aussi ce qui s’ouvre dans les institutions de protection de l’enfance à Marseille où mon amie Yoanna et moi intervenons régulièrement et où les éducateurs développent des manières d’être avec les jeunes et les familles basées sur les compétences des uns et des autres et non plus parasitées par les carences et les dysfonctionnements. Prendre soin du corps et du mental. S’intéresser à ce qui ne va pas et à ce qui va bien.
Mais le plus grand progrès de la nouvelle psychologie qui se met en place aujourd’hui est selon nous l’autorisation (enfin !) donnée aux soignants d’aimer leurs patients. Parler d’amour en thérapie est encore presque un tabou. Si cela se fait parfois, c’est avec des synonymes : prendre soin, s’engager, s’investir, accompagner… La peur du jugement des collègues, de nos enseignants voire même des patients eux-mêmes empêche de prononcer ces mots d’aimer et d’amour dans le contexte de la relation soignante, car ils résonnent pour notre mental comme inappropriés, inadaptés, sortant du cadre. Et pourtant ! Tous ceux qui viennent à nous pour être accompagnés, que ce soit en institution ou en libéral, ont des blessures d’amour, des blessures de liens. Tous ont été blessés dans la relation à l’autre et avant tout dans la relation à un ou des autres très proches : parents, conjoint, amis et autres figures d’attachement. L’apaisement et la guérison ne peuvent donc venir que par le lien. Par l’expérience « remède » d’une relation ancrée dans le respect et l’amour avec d’autres humains et notamment avec des soignants pleinement engagés. C’est la puissance de la relation soignante que met si bien en mots Mme Siaud-Facchin : « Les psys aiment leurs patients pour leur donner la force d’être et de vivre. Leur vie. La question n’en est pas une, il ne s’agit pas de savoir si les psys peuvent aimer leurs patients, il convient d’assumer que les psys doivent aimer leurs patients. D’un amour qui n’étouffe pas, d’un amour qui ne crée pas la dépendance, d’un amour qui n’enferme pas, mais d’un amour qui ouvre, soutient, propulse. »
Au plaisir d’échanger sur tout cela par message ou de vive voix lors d’une rencontre prochaine,